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MEMOIRE DISPONIBLE ICI.
Identifiant : atlas
Mot de passe : villes
Ce mémoire de recherche sur les chawls de Girangaon à Mumbai m’a permis de faire un parallèle entre une analyse de terrain observant à petite échelle des modes d’habiter en transition, et des changements économiques et sociaux plus globaux. Cette recherche a été l’occasion pour moi d’insister sur le potentiel du dessin et du relevé habité comme mode d’enquête, mais aussi comme médium de restitution de l’analyse. Le mémoire décrivait tout d’abord la méthode d’enquête, puis le contexte historique dans lequel la typologie du chawl a émergé (essor de industrie cotonnière sous domination Britannique). J’ai ensuite mis en parallèle la reconversion récente du quartier de Girangaon qui s’opère depuis la fermeture des industries cotonnières, avec la progressive émancipation des ouvriers. Girangaon, ancien quartier ouvrier est en passe de devenir un quartier aisé pour les nouveaux riches Indiens. Les chawls sont progressivement détruits, et pourtant, des changements semblaient déjà s’y opérer avant qu’ils ne soient remplacés par de hauts immeubles. C’est ce moment qui constitue la véritable question de ce mémoire. Les mutations décrites précédemment viennent ainsi questionner le lien au village d’origine des familles habitant dans les chawls, mais aussi les liens de voisinage qui s’étaient créés au sein des immeubles d’habitation, constituant parfois une véritable famille de substitution. Ces liens se trouvent changés par la nouvelle mobilité des habitants. Plus de liberté dans la trajectoire individuelle donc, mais pas sans un abandon du sentiment de communauté. Les rituels collectifs (le cricket et les fêtes religieuses notamment) ont tendance à résister à ces changements, jusqu’à l’installation dans des immeubles de relogement, par simple manque de place.

Je m’intéressais ensuite aux conditions spatiales et matérielles du chawl, et aux stratégies d’appropriation développées par les habitants des chawls dans les espaces collectifs, pour pallier à des logements trop petits et vétustes. Cela m’a permis de comprendre comment certaines normes socioculturelles se sont assouplies face à des conditions spatiales aussi contraignantes. Si certains usages et objets, ou certaines tenues appartenant à la sphère de l’intime se sont déplacés à l’extérieur du logement pour des raisons pratiques (eau), d’autres constituent aussi une appropriation volontaire, visant à faire du chawl un espace « sien » - individuel et collectif. L’appropriation matérielle et physique des cours et coursives nous indique aussi certains jeux d’auto-surveillance et des tentatives pour créer plus d’intimité. C’est à la fn du mémoire que je propose d’entrer dans les kholis (l’accès à l’espace intime est gardé pour la fn), premièrement des kholis simples (une pièce de 10m ), puis des kholis « augmentés » (double kholi ou grand kholi du quartier Sud de Girgaon). Cette mise en parallèle des logements d’une pièce et de deux pièces nous a permis d’apercevoir des différences de mode de vie, qui se traduisent par l’apparition de nouveaux objets, souvent témoins d’une infuence occidentale (lits, table, chaises) dans les plus grands logements. L’obtention d’une pièce supplémentaire permet aussi de mieux gérer la question de l’intimité (espace matrimonial, espace d’eau).

Toutes ces observations et ce début de transition déjà observé dans les kholis doubles nous emmènent fnalement à questionner le changement de typologie : l’après-chawl. Depuis une dizaine d’années déjà (le processus s’accélère ces derniers temps), les immeubles ouvriers de Girangaon sont détruits et remplacés par une haute tour luxueuse et un petit immeuble sommaire de relogement. Ces destructions-reconstructions paraissent brutales et mettent en lumière un moment de transition, qui s’opérait toutefois depuis de nombreuses années. J’ouvrai alors sur l’appropriation des anciens habitants des chawls de leur nouveau logement moderne. Cette partie constitue plus une question qu’une analyse – il faudrait pour cela réaliser une enquête de terrain longue et minutieuse. Si les populations portent en elles la volonté d’aller vers d’autres modes de vie lorsqu’elles habitent dans un espace donné, elles remettent en question des modèles d’habiter imposés lorsque ceux-ci leur semblent incomplets. Cette pensée me donne un « espoir ». Face à la domination de l’économie capitaliste, une résilience s’opère, par le biais de tactiques souvent inconscientes. Si je crois que le changement est en effet nécessaire dans le cas de ces anciens logements ouvriers, il me semble défnitivement déplorable qu’il s’opère de cette manière, dicté par la soif de profts de promoteurs immobiliers, et non par la volonté d’améliorer des conditions de vie des habitants en présence. Les propositions de reconstruction auraient certainement pu être plus adaptées à la complexe culture Indienne contemporaine, mais est-ce simplement envisageable dans le contexte économique et politique dominant actuellement ?
MÉMOIRE DE RECHERCHE

Une ethnographie des chawls de Mumbai et du quartier ouvrier : transitions locales, transitions globales ?


Carnet finaliste au concours du carnet de voyage Libération / APAJ 2016.
Mémoire encadré par Jean Attali, Anne Bossé et Yves Bélorgey, 2016